01/08/2025

Des seigneuries à la Révolution : L’empreinte des familles nobles sur Château-Larcher

Au commencement : l’avènement des seigneurs de Larcher

Les tout premiers à apposer leur signature sur Château-Larcher furent probablement les seigneurs du même nom : les Larcher (Larchet, Larchier selon les orthographes anciennes). Le village, attesté sous le nom de Capella Sancti Saturnini de Larcherio dans les textes du XII siècle, doit d’ailleurs son nom à cette lignée. Malgré la rareté des sources sur l’origine exacte de la famille, elle figure dans plusieurs cartulaires locaux dès le XI siècle.

  • À la fin du XI siècle, Giraud Larcher est cité comme témoin lors d’une donation à l’abbaye de Saint-Benoît (source : Cartulaire de Saint-Benoît de Quincay).
  • La seigneurie s’étend alors sur le bourg fortifié, plusieurs métairies alentour et contrôle la “motte castrale” d’où sera construit le château actuel.

Il est probable que des alliances matrimoniales aient relié les Larcher à d’autres familles poitevines, comme les de Montmorillon ou d’Availles, dans le but de développer et de défendre leur territoire situé sur les frontières mouvantes du Poitou médiéval.

Du Moyen Âge à la Renaissance : l’arrivée des Beaumont et la redéfinition du pouvoir

Quelques siècles plus tard, la fin des Larcher en ligne directe laisse la place à une autre grande famille : celle des Beaumont. L’ascension des Beaumont marque une nouvelle phase de prospérité pour Château-Larcher et une intensification des liens avec les puissants du sud-poitevin.

  • C’est au XIV siècle que les documents mentionnent explicitement la transmission du fief de Château-Larcher à Guy de Beaumont, suite à un mariage ou à l’extinction d’une branche cousine.
  • La famille des Beaumont possède, à cette époque, des terres autour de Lusignan et Civray, ce qui favorise les échanges et les protections mutuelles lors de la Guerre de Cent Ans.

À noter une anecdote rapportée par Pierre-Marie Auzas dans sa Notice historique sur Château-Larcher (1942) : c’est sous la seigneurie des Beaumont que le donjon fut consolidé pour résister aux sièges anglo-gascons, et que le bourg fit l’objet de reconstructions après les dévastations de 1372.

Plus qu’une simple forteresse, Château-Larcher devient ainsi un point d’étape militaire, économique et, à une époque, même judiciaire pour le voisinage, sous l’œil vigilant des Beaumont.

La domination des Chasteigner puis des Rochechouart : noblesse, influences et disparitions

La période de la Renaissance apporte son lot de bouleversements dans la noblesse poitevine, notamment avec l’extinction progressive de certaines lignées faute d’héritiers mâles, ou via des mariages stratégiques. Château-Larcher n’échappe pas à cette règle.

  • Famille Chasteigner : À la fin du XVe et au début du XVIe siècle, les Chasteigner (ou Chasteigner de la Rochepozay) deviennent les nouveaux maîtres du château. Proches du roi et investis à la cour, ils introduisent une vie « à la Renaissance » dans le château, commanditent la restauration de la chapelle castrale et rehaussent le prestige local. Les armoiries de la famille sont encore visibles sur quelques clés de voûte et sur une ancienne pierre armoriée remployée au cimetière.
  • Famille de Rochechouart : Plus tard, par jeu d’alliances, le château passe dans les mains des Rochechouart de Mortemart, famille cousine des Chasteigner et connue pour son ancrage dans l’appareil militaire et diplomatique du royaume (source : Archives de la Vienne, fonds Rochechouart).

Des mazures à la place du château, des “seigneuriales” à la survivance des registres notariaux, ces familles laissent une trace sur et sous la terre. L’un des épisodes les plus marquants de cette époque est sans doute la gestion des troubles religieux : Château-Larcher sera le théâtre d’alliances fluctuantes lors des Guerres de Religion, oscillant entre catholiques et protestants selon les intérêts des seigneurs du moment. Ce climat instable laissera des ruines, mais aussi un village adaptable, qui saura tirer parti des temps calmes.

Au siècle des Lumières : les transitions et la fin d’un monde

Le XVIII siècle voit disparaître peu à peu la puissance réelle des nobles locaux, grignotée par l’emprise de l’État royal puis ébranlée par la Révolution. Le dernier seigneur à résider, fût-ce à distance, à Château-Larcher serait un membre de la famille du Vergier de La Rochejaquelein, selon les actes conservés aux Archives Départementales de la Vienne. Entre-temps, les terres passent sous gestion de fermiers et de notables, tandis que le château se vide et tombe partiellement en ruines.

  • En 1789, les cahiers de doléances évoquent “les droits du Seigneur de Larcher”, preuve que la féodalité locale restait un vrai sujet à la veille de la Révolution (source : Archives Nationales, Cahiers de la sénéchaussée de Poitiers).
  • À la Révolution, le domaine est vendu comme bien national. Certains bâtiments sont démantelés, d’autres adaptés à une nouvelle agriculture. Plusieurs archives notariales témoignent du passage de la propriété à la famille Blanchet, notables locaux.

Que reste-t-il aujourd’hui de ces familles ? Indices, héritages et récits

Pour qui se promène à Château-Larcher aujourd’hui, la présence des familles nobles parait diffuse, mais persistante. Loin de ne subsister que dans les archives, leur mémoire s’inscrit dans la pierre, la mémoire orale, voire certaines traditions :

  • Les armoiries : Sur l’ancien portail du château (désormais ruiné), on retrouve, au détour d’une clé de voûte, les vestiges des armoiries des Chasteigner et Rochechouart. Plusieurs pierres remployées dans les murs du village présentent des marques héraldiques.
  • Des noms qui persistent : Rue des Beaumont, ruelle du Vieux Château, parcelle appelée “la Rochejaquelein” sur le cadastre napoléonien illustrent la survivance toponymique de ces lignages.
  • Une tradition et des récits : Lors des fêtes médiévales locales, des habitants évoquent parfois, en costume, les anecdotes héritées de ces familles, comme la légende du souterrain reliant le château au cimetière ou celle du seigneur cachant ses titres pour échapper à la Révolution (entendu lors de la Fête du Patrimoine de 2022).
  • L’église Saint-Jean-Baptiste : Certains éléments sculptés, tels que la litre funéraire intérieure, témoignent encore des sépultures et commémorations liées aux familles nobles.

Petit guide pour les curieux : où voir l’héritage des nobles à Château-Larcher ?

  • Le site du château : accès libre toute l’année. Ne pas rater la base du donjon, les vestiges de la chapelle seigneuriale et les murailles, qui marquent la signature des différentes époques.
  • L’église Saint-Jean-Baptiste : possible de demander une visite commentée lors des Journées du Patrimoine ou à l’office de tourisme.
  • Le cimetière : certaines sépultures portent encore des traces de blasons ou d’anciennes écritures, notamment un caveau attribué à la famille Blanchet.
  • L’exposition permanente à la mairie : archives et reproduction de plans anciens sont mis à disposition des visiteurs intéressés par l’histoire locale (renseignements auprès de la mairie).

Familles nobles de Château-Larcher – Repères chronologiques

Famille Période principale d’influence Marques visibles aujourd’hui
Larcher XI – XIV siècles Nom du village, mention dans cartulaires
Beaumont XIV – XVe siècles Vestiges architecturaux du château, toponymie
Chasteigner XV – XVI siècles Armoiries, décor sculpté, archives notariales
Rochechouart XVI – XVII siècles Registres judiciaires, blasons, récits locaux
La Rochejaquelein XVIII siècle Mentions dans les cahiers de doléances, cadastre

Pour aller plus loin : ressources et pistes de découverte

  • Notice Château-Larcher, ses seigneurs et son château – Pierre-Marie Auzas, 1942 (consultable à la médiathèque de Poitiers)
  • Cartulaires de l’abbaye Saint-Benoît et de l’abbaye de Ligugé
  • Archives départementales de la Vienne, série E (fonds seigneuriaux et archives Rochechouart)
  • Portail “Patrimoine Nouvelle-Aquitaine” et serveur Gallica (recherche : Château-Larcher, familles seigneuriales)

L’histoire de Château-Larcher n’est jamais tant visible que lors d’une rencontre fortuite : au détour d’un pan de mur orné d’une vieille pierre, dans les confidences d’un habitant lors d’une exposition, ou en découvrant dans un vieux registre un nom de famille aujourd’hui oublié. Ces lignées, loin de n’avoir été que guerriers ou administrateurs, ont aussi été bâtisseurs de paysages, de solidarités et parfois… de légendes. Château-Larcher leur doit une part de son âme, et la curiosité contemporaine n’a pas fini d’en explorer les ramifications.

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